Page:Rabelais - Pantagruel, ca 1530.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
Vignette 128
Vignette 128

Pres celle victoire merveilleuse Pantagruel envoya Carpalim en la ville des Amaurotes dire et annoncer comment le roy Anarche estoit prins, et tous leurs ennemys defaictz. Laquelle nouvelle entendue, sortirent au devant de luy tous les habitans de la ville en bon ordre et en pompe triumphale avecques une liesse divine le conduisirent en la ville. Et furent faictz beaulx feux de ioye par toute la ville, et belles tables rondes garnies de force vivres dressées par les rues. Ce fut ung renouvellement du temps de Saturne, tant il fut faict alors grand chere. Mais Pantagruel tout le Senat assemblé dist, Messieurs ce pendant que le fer est chault il le fault battre, aussi devant que nous desbauscher davantaige, ie veux que allions prendre d’assault tout le royaulme des Dipsodes. Par ainsi ceulx qui avecques moy vouldront venir, se aprestent à demain apres boire : car lors ie commenceray à marcher. Non pas qu’il me faille gens davantaige pour me ayder à le conquester : car autant vaudrait il que ie le tinsse desià, mais ie voy que ceste ville est tant pleine des habitans qu’ilz ne peuvent se tourner par les rues. Docnques ie les meneray comme une colonie en Dipsodie, et leur donneray tout le pays, qui est beau, salubre, fructueux, et plaisant sus tous les pays du monde, comme plusieurs de vous sçavent qui y estes allez aultrefoys. Ung chascun de vous qui y vouldroit venir soit prest comme iay dit. Ce conseil et deliberation fut divulgué par la ville, et le lendemain se trouverent en la place devant le palays iusques au nombre de dix huyt cens cinquante mille, sans les femmes et petitz enfans. Ainsi commencerent à marcher droict en Dipsodie en si bon ordre qu’ilz ressem-