Page:Rabelais - Pantagruel, ca 1530.djvu/88

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puis le tiroit et le tirant faisoit ung grand son, comme quand les petits garsons tirent d’ung canon de seux avecques belles rabbes, et le fist par neuf foys. À quoy Thaumaste s’escrya. Ha messieurs, le grand secret, et puis tira ung poignard qu’il avoit, le tenant par la poincte contre bas. À quoy Panurge print sa longue braguette, et la secouoit tant qu’il povoit contre ses cuisses, et puis mist ses deux mains lyéez en forme de peigne, sur la teste, tirant la langue tant qu’il povoit, et tournant les yeulx en la teste, comme une chievre qui se meurt. Ha ientends, dist Thaumaste, mais quoy ? faisant tel signe, qu’il mettoit le manche de son poignard contre la poictrine, et sur la pointe mettoit le plat de la main en retournant quelque peu le bout des doigts. À quoy Panurge baissa la teste du cousté gauche et mist le doigt meillieu en l’oreille dextre, elevant le poulce contre mont. Et puis croisa les deux bras sur la poictrine, toussant par cinq foys, et à la cinquiesme frappant du pied droit contre terre, et puis leva le bras gauche, et ferrant tous les doigtz au poin, tenoit le poulce contre le front, frappant de la main dextre par six fois contre la poictrine. Adoncques se leva Thaumaste et ostant son bonnet de la teste, remercia ledict Panurge doulcement : puis dict à haulte voix à toute l’assistence. Seigneurs à ceste heure puis ie bien dire le mot evangelicque, Et ecce plusquam Solomon hic. Vous avez icy ung tresor incomparable en vostre presence, c’est monsieur Pantagruel, duquel la renommée me avoit icy attiré du fin fonds de Angleterre, pour conferer avecques luy des doubtes inexpugnables tant de Magie, de Caballe, de Geomantie, de Astrologie, que de Philosophie, lesquelz ie avoys en mon esprit.