Page:Rabelais marty-laveaux 01.djvu/167

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ma vie, je meurs de soif… Ce vin n’est des pires. Quel vin beuviez vous à Paris ? Je me donne au diable si je n’y tins plus de six moys pour un temps maison ouverte à tous venens ! … Congnoissez vous Frere Claude des Haulx Barrois ? O le bon compaignon que c’est ! Mais quelle mousche l’a picqué ? Il ne faict rien que estudier depuis je ne sçay quand. Je n’estudie poinct, de ma part. En nostre abbaye nous ne estudions jamais, de peur des auripeaux. Nostre feu abbé disoit que c’est chose monstrueuse veoir un moyne sçavant. Par Dieu, Monsieur mon amy, magis magnos clericos non sunt magis magnos sapientes… Vous ne veistes oncques tant de lievres comme il y en a ceste année. Je n’ay peu recouvrir ny aultour ny tiercelet de lieu du monde. Monsieur de la Bellonniere m’avoit promis un lanier, mais il m’escripvit n’a gueres qu’il estoit devenu patays. Les perdris nous mangeront les aureilles mesouan. Je ne prens poinct de plaisir à la tonnelle, car je y morfonds. Si je ne cours, si je ne tracasse, je ne suis poinct à mon aize. Vray est que, saultant les hayes et buissons, mon froc y laisse du poil. J’ay recouvert un gentil levrier. Je donne au diable si luy eschappe lievre. Un lacquays le menoit à Monsieur de Maulevrier ; je le destroussay. Feis je mal ?

— Nenny, Frere Jean (dist Gymnaste), nenny, de par tous les diables, nenny !

— Ainsi (dist le moyne), à ces diables, ce pendent qu’ilz durent ! Vertus de Dieu ! qu’en eust faict ce boyteux ? Le cor Dieu ! il prent plus de plaisir quand on luy faict present d’un bon couble de beufz !

— Comment (dist Ponocrates), vous jurez, Frere Jean ?

— Ce n’est (dist le moyne) que pour orner mon langaige. Ce sont couleurs de rethorique Ciceroniane. »