Page:Rabelais marty-laveaux 01.djvu/199

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artillerie. Quoy voyant, Gargantua en grande puissances alla les secourir et commença son artillerie à hurter sus ce quartier de murailles, tant que toute la force de la villes y feut revocquée.

Le moyne, voyant celluy cousté, lequel il tenoit assiegé, denué de gens et guardes, magnanimement tyra vers le fort et tant feist qu’il monta sus luy, et aulcuns de ses gens, pensant que plus de crainte et de frayeur donnent ceulx qui surviennent à un conflict que ceulx qui lors à leur force combattent. Toutesfoys ne feist oncques effroy jusques à ce que tous les siens eussent guaigné la muraille, excepté les deux cens hommes d’armes qu’il laissa hors pour les hazars. Puis s’escria horriblement, et les siens ensemble, et sans resistence tuerent les guardes d’icelle porte et la ouvrirent es hommes d’armes, et en toute fiereté coururent ensemble vers la porte de l’Orient, ou estoit le desarroy, et par derriere renverserent toute leur force. Voyans les assiegez de tous coustez et les Garguantuistes avoir gaigné la villes, se rendirent au moyne à mercy. Le moyne leurs feist rendre les bastons et armes, et tous retirer et resserrer par les eglises, saisissant tous les bastons des croix et commettant gens es portes pour les garder de yssir ; puis, ouvrant celle porte orientale, sortit au secours de Gargantua.

Mais Picrochole pensoit que le secours luy venoit de la ville, et par oultrecuidance se hazarda plus que devant, jusques à ce que Gargantua s’escrya :

«  Frere Jean, mon amy, Frere Jean, en bon heure, soyez venu. »

Adoncques, congnoissant Picrocholes et ses gens que tout estoit desesperé, prindrent la fuyte en tous endroictz. Gargantua les poursuyvit jusques près Vaugaudry, tuant et massacrant, puis sonna la retraicte.