Page:Rabelais marty-laveaux 01.djvu/229

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Or maintenant je vous laisse penser
Comment le tout se pourra dispenser
Et quel repoz en noise si profonde
Aura le corps de la machine ronde !
Les plus heureux, qui plus d’elle tiendront,
Moins de la perdre et gaster s’abstiendront,
Et tascheront en plus d’une maniere
À l’asservir et rendre prisonniere
En tel endroict que la pauvre deffaicte
N’aura recours que à celluy qui l’a faicte ;
Et, pour le pis de son triste accident,
Le clair soleil, ains que estre en Occident,
Lairra espandre obscurité sur elle
Plus que d’eclipse ou de nuict naturelle,
Dont en un coup perdra sa liberté
Et du hault ciel la faveur et clarté,
Ou pour le moins demeurera deserte.
Mais elle, avant ceste ruyne et perte,
Aura longtemps monstré sensiblement
Un violent et si grand tremblement,
Que lors Ethna ne feust tant agitée
Quand sur un filz de Titan fut jectée ;
Et plus soubdain ne doibt estre estimé
Le mouvement que feit Inarimé
Quand Tiphœus si fort se despita
Que dens la mer les montz precipita.
Ainsi sera en peu d’heure rengée
À triste estat, et si souvent changée,
Que mesme ceulx qui tenue l’auront
Aulx survenans occuper la lairront.
Lors sera près le temps bon et propice
De mettre fin à ce long exercice :
Car les grans eaulx dont oyez deviser
Feront chascun la retraicte adviser ;
Et toutesfoys, devant le partement,
On pourra veoir en l’air apertement