Page:Rabelais marty-laveaux 01.djvu/263

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il vray ? L’escholier respondit : Signor Missayre, mon genie n’est poinct apte nate à ce que dict ce flagitiose nebulon, pour escorier la cuticule de nostre vernacule Gallicque, mais vice versement je gnave opere, et par veles et rames je me enite de le locupleter de la redundance latinicome. Par Dieu (dist Pantagruel) je vous apprendray à parler. Mais devant, responds moy : dont es tu ? À quoy dist l’escholier : L’origine primeves de mes aves et ataves fut indigene des regions Lemovicques, où requiesce le corpore de l’agiotate sainct Martial. J’entens bien, dist Pantagruel ; tu es Lymosin, pour tout potaige. Et tu veulx icy contrefaire le Parisian. Or vien çza, que je te donne un tour de pigne ! Lors le print à la gorge, luy disant : Tu escorche le latin ; par sainct Jean, je te feray escorcher le renard, car je te escorcheray tout vif.

Lors commença le pauvre Lymosin à dire : « Vée dicou, gentilastre ! Ho, sainct Marsault, adjouda my ! Hau, hau, laissas à quau, au nom de Dious, et ne me touquas grou ! » À quoy dist Pantagruel : « À ceste heure parle tu naturellement. » Et ainsi le laissa, car le pauvre Lymosin conchioit toutes ses chausses, qui estoient faictes à queheue de merluz, et non à plein fons ; dont dist Pantagruel : « Sainct Alipentin, quelle civette ! Au diable soit le mascherabe, tant il put ! » Et le laissa. Mais ce luy fut un tel remord toute sa vie, et tant fut alteré qu’il disoit souvent que Pantagruel le tenoit à la gorge, et, après quelques années, mourut de la mort Roland, ce faisant la vengeance divine et nous demonstrant ce que dit le philosophe et Aule Gelle : qu’il nous convient parler selon le langaige usité, et, comme disoit Octavian Auguste, qu’il fault eviter les motz espaves en pareille diligence que les patrons des navires evitent les rochiers de mer.