Page:Rabelais marty-laveaux 01.djvu/372

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cruellement tous les six cens cinquante & neuf chevaliers, & luy seul estoit saulve pour en porter les nouvelles. Davantaige avoit charge dudict geant de luy dire qu’il luy aprestast au lendemain sur le midy à disner : car il se deliberoit de le envahir à ladicte heure. Puis luy bailla celle boette ou estoient les confictures. Mais tout soubdain qu’il en eut avallé une cueillerée il luy vint un tel chauffement de gorge avecques ulceration de la luette, que la langue luy pela. Et pour le remede ne trouva allegement quiconques sinon de boire sans remission : car incontinent qu’il ostoit le goubelet de la bouche, la langue luy brusloit. Par ainsi l’on ne faisoit que luy entonner vin avecques un embut.

Ce que voyans les capitaines Baschatz, & gens de garde, gousterent desdictes drogues pour esprouver si elles estoient tant alteratives : mais y leur en print comme à leur Roy. Et tous se mirent si bien à flaconner, que le bruyt en vint par tout le camp, comment le prisonnier estoit de retour, & qu’ilz debvoient avoir au lendemain l’assault, & qu’à ce ià se preparoit le roy & les capitaines ensemble les gens de la garde, & ce par boire à tyrelarigot. Parquoy un chascun de l’armée se mist à martiner, chopiner, & tringuer de mesmes. Somme ilz beurent si bien, qu’ilz s’endormirent comme porcz sans nul ordre parmy le camp.

Maintenant retournons au bon Pantagruel, & racomptons comment il se porta en cest affaire. Partant du lieu du Trophée, print le mast de leur navire en sa main comme un bourdon, & mist dedans la hune deux cens trente & sept poinsons de vin blanc d’Aniou du reste de Rouen, & atacha à sa ceincture la barque tout pleine de sel aussi aysement comme les lansquenettes portent leurs petitz panerotz. Et ainsi se mist à