Page:Rabelais marty-laveaux 01.djvu/374

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soubdain qu’il cuyda embrazer le pauvre Carpalim. Et n’eust esté sa merveilleuse hastiveté, il estoit fricassé comme un cochon : mais il departit si roidement qu’un carreau d’arbaleste ne vole pas plustost. Quant il fut hors des tranchées il s’escrya si espovantablement, qu’il sembloit que tous les diables feussent deschainés. Auquel son s’esveillerent les ennemys, mais sçavez vous comment ? aussi estourdys que le premier son de matines, qu’on appelle en Lussonoys, frotte couille.

Ce pendant Pantagruel commença à semer le sel qu’il avoit en sa barque, et par ce qu’ilz dormoient la gueule baye & ouverte, il leur en remplit tout le gouzier, tant que ces pouvres haires toussissoient comme regnards, cryans.

Ha Pantagruel, tant tu nous chauffes le tizon.

Mais tout soubdain print envie à Pantagruel de pisser, à cause des drogues que luy avoit baillé Panurge, & pissa parmy leur camp si bien & copieusement qu’il les noya tous : & y eut deluge particulier dix lieues à la ronde. Et dit l’histoire, que si la grand iument de son pere y eust esté & pissé pareillement, qu’il y eust eu deluge plus enorme que celluy de Deucalion : car elle ne pissoit foys qu’elle ne fist une riviere plus grande que n’est le Rosne. Ce que voyans ceulx qui estoient issuz de la ville, disoient.

Ilz sont tous mors cruellement, voyez le sang courir.

Mais ilz y estoient trompez, pensans de l’urine de Pantagruel que feust le sang des ennemys : car ilz ne le veoyent sinon au lustre du feu des pavillons & quelque peu de clarté de la lune. Les ennemys apres soy estre reveillez voyans d’ung cousté le feu en leur camp, & l’inundation & deluge urinal, ne sçavoient que dire ny que penser. Aulcuns disoient que c’estoit la fin du monde &