Page:Rabelais marty-laveaux 01.djvu/57

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quoy premier en luy ie doibue admirer, ou son oultrecuidance, ou sa besterie.

Son oultrecuidance, qui sans raison, sans cause, & sans apparence, a ausé prescripre de son autorité priuee quelles choses seroient denotees par les couleurs : ce que est l’vsance des tyrans qui voulent leurs arbitre tenir lieu de raison : non des saiges & scauans qui par raisons manifestes contentent les lecteurs.

Sa besterie : qui a existimé que sans aultres demonstrations & argumens valables le monde reigleroit ses deuises par ses impositions badaudes.

De faict (comme dict le prouerbe, à cul de foyrad tousiours abonde merde) il a trouué quelque reste de niays du temps des haultz bonnetz : lesquelz ont eu foy à ses escripts. Et selon iceulx ont taillé leurs apophthegmes & dictez : en ont encheuestré leurs muletz : vestu leurs pages, escartelé leurs chausses, brodé leurs guandz : frangé leurs lictz : painct leurs enseignes : composé chansons : & (que pis est) faict impostures & lasches tours clandestinement entre les pudicques matrones.

En pareilles tenebres sont comprins ces glorieux de court & transporteurs de noms : lesquelz voulens en leurs diuises signifier espoir, font protraire vne sphere : des pennes d’oiseaulx, pour poines : de l’ancholie, pour melancholie : la Lune bicorne, pour viure en croissant : vn banc rompu, pour bancque roupte : non & vn alcret, pour non durhabit : vn lict sans ciel, pour vn licentié. Que sont homonymies tant ineptes, tant fades, tant rusticques & barbares, que l’on doiburoit atacher vne queue de renard au collet, & faire vn masque d’vne bouze de vache à vn chascun d’iceulx qui en vouldroit dorenauant vser en France apres la restitution des bonnes lettres.