Aller au contenu

Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/110

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
102
le tiers livre

deſtournant à guauſche. Vertus beuf de boys (diſt Pantagruel) qu’eſt ce là ? Ce n’eſt à voſtre aduentaige. Il denote que voſtre mariage ſera infauſte & malheureux. Ceſtuy eſternuement (ſcelon la doctrine de Terpſion) eſt le dæmon Socraticque[1] : lequel faict à dextre ſignifie qu’en aſceurance & hardiment on peut faire & aller ce & la part qu’on a deliberé, les entrée, progrés, & ſuccés ſeront bons & heureux : faict à guauſche, au contraire. Vous (diſt Panurge) tous iours prenez les matieres au pis, & tous iours obturbez, comme vn aultre Dauus[2]. Ie n’en croy rien. Et ne congneuz oncques ſinon en deception ce vieulx trepelu Terpſion. Toutesfoys (diſt Pantagruel) Ciceron en dict ie ne ſçay quoy, on ſecond liure de diuination[3].

Puys ſe tourne vers Nazdecabre, & luy faict tel ſigne. Il renuerſa les paulpieres des œilz contre mont, tortoit les mandibules de dextre en ſeneſtre, tira la langue à demy hors la bouche. Ce faict, poſa la main guauſche ouuerte, exceptez le maiſtre doigt, lequel retint perpendiculairement ſus la paulme, & ainſi l’aſſiſt au lieu de ſa braguette : la dextre retint clauſe en poing, exceptez le poulce, lequel droict il retourna arriere ſoubs l’eſcelle dextre, & l’aſſiſt au deſſus des feſſes on lieu que les Arabes appellent Al Katim. Soubdain apres changea, & la main dextre tint en forme de la ſeneſtre, & la poſa ſus le lieu de la braguette, la guauſche tint en forme de la dextre, & la poſa ſus l’Al Katim. Ceſtuy changement de main reïtera par neuf foys. A la neufieſme remiſt les paupieres des œilz en leur poſition naturelle : auſſi feiſt les mandibules, & la langue : puys iecta ſon reguard biſcle ſus Nazdecabre, branlant les bauleures, comme font les Cinges de ſeiour, & comme font les Connins mangeans auoine en gerbe.

  1. Le dæmon Socraticque. « I’ai entendu… d’vn certain Megarien, qui l’auoit auſſi ouy dire à Terpſion que cet eſprit n’eſtoit autre choſe qu’vn eſternuement. » (Plutarque, Du Demon familier de Socrate)
  2. Vn aultre Dauus.

    Itane vero obturbat ?

    (Térence, Andrienne, V, 1)
  3. On ſecond liure de diuination. Cicéron y blâme en ces termes (ch. 40) ce genre d’observations : « quæ si suscipiamus… et sternutamenta erunt observanda. »