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le tiers livre.

rethz & Caballistes, pourquoy les Diables n’entrent iamais en paradis terrestre ? Ilz ne donnent aultre raison, si non que à la porte est un Cherubin tenent en main une espée flambante. Car parlant en vraye diabolologie de Tolete, ie confesse que les Diables vrayment ne peuuent par coups d’espée mourir : mais ie maintiens scelon la dicte diabolologie, qu’ilz peuuent patir solution de continuité. Comme si tu couppois de trauers auecques ton bragmard vne flambe de feu ardent, ou vne grosse & obscure fumée. Et crient comme Diables à ce sentement de solution, laquelle leurs est doloreuse en Diable.

Quand tu voyds le hourt de deux armées, pense tu, Couillasse, que le bruyt si grand & horrible que lon y oyt, prouiene des voix humaines ? du hurtis des harnoys ? du clicquetis des bardes, du chaplis des masses ? du froissis des picques, du bris des lances, du cris des naurez ? du son des tabours & trompettes ? du hannissement des cheuaulx ? du tonnoire des escouppettes & canons ? Il en est veritablement quelque chose : force est que le confesse. Mais le grand effroy, & vacarme principal prouient du dueil & vlement des Diables : qui là guestans pelle melle les paouures ames des blessez, reçoiuent coups d’espée à l’improuiste, & patissent solution en la continuité de leurs substances aërées & inuisibles : comme si à quelque lacquais crocquant les lardons de la broche, maistre Hordoux donnoit vn coup de baston sus les doigts. Puys crient & vlent comme Diables : comme Mars, quand il feut blessé par Diomedes dauant Troie, Homere dict[1] auoir crié en plus hault ton & plus horrificque effroy, que ne feroient dix mille homes ensemble. Mais quoy ? Nous parlons de harnoys fourbiz, & d’espées resplendentes. Ainsi n’est il de ton brag-

  1. Iliade, v. 559.