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Comment certaine espece de Pantagruelion ne peut
estre par feu consommée.


Chapitre LII.


Ce que ie vous ay dict, est grand & admirable. Mais si vouliez vous hazarder de croire quelque aultre diuinité de ce sacre Pantagruelion, ie la vous dirois. Croyez la ou non, ce m’est tout vn : me suffist vous auoir dict verité. Verité vous diray. Mais pour y entrer, car elle est d’accés assez scabreux & difficile, ie vous demande. Si i’auoys en ceste bouteille mis deux cotyles de vin, & vne d’eau ensemble bien fort meslez, comment les demesleriez vous ? comment les separeriez vous ? de maniere que vous me rendriez l’eau à part sans le vin, le vin sans l’eau, en mesure pareille que les y auroys mis. Aultrement. Si vos chartiers & nautonniers amenans pour la prouision de vos maisons certain nombre de tonneaulx, pippes, & bussars de vin de Graue, d’Orleans, de Beaulne, de Myreuaulx, les auoient buffetez & beuz à demy, le reste emplissans d’eau, comme font les Limosins à belz esclotz[1], charroyans les vins d’Argenton, & Sangaultier : comment en housteriez vous l’eau

  1. « Aux beaux sabots, » dit Éloi Johanneau, qui évidemment croit voir là une parodie de cette expression de l’Iliade : « les Achaiens aux belles cnémides. » Burgaud des Marets combat avec raison cette explication et dit fort justement que les charretiers « remplissaient d’eau à pleins sabots le vide qu’ils avaient fait, » Cette locution est analogue à celle de « mordre à belles dents, » qui est encore en usage.