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chapitre lv.


touchans les uns les aultres en figure triangulaire æquilaterale, en la pate & centre des quelz disoit estre le manoir de Verité, & le habiter les Parolles, les Idées, les Exemplaires & protraictz de toutes choses passées, & futures : autour d’icelles estre le Siècle. Et en certaines années par longs intervalles, part d’icelles tomber sus les humains comme catarrhes, & comme tomba la rousée sus la toizon de Gedeon : part là rester reservée pour l’advenir, iusques à la consommation du Siècle. Me souvient aussi que Aristoteles maintient les parolles de Homère estre voltigeantes, volantes, moventes, & par consequent animées. D’adventaige Antiphanes disoit la doctrine de Platon es parolles estre semblable lesquelles en quelque contrée on temps du fort hyver lors que sont proferées, gèlent & glassent à la froydeur de l’air, & ne sont ouyes. Semblablement ce que Platon enseignoyt es ieunes enfans, à peine estre d’iceulx entendu, lors que estoient vieulx devenuz. Ores seroit à philosopher & rechercher si forte fortune icy seroit l’endroict, on quel telles parolles degèlent. Nous serions bien esbahiz si c’estoient les teste & lyre de Orpheus. Car après que les femmes Threisses eurent Orpheux mis en pièces, elles iectèrent la teste & la lyre dedans le fleuve Hebrus. Icelles par ce fleuve descendirent en la mer Ponticq iusques en l’isle de Lesbos, tousiours ensemble sus mer naigeantes. Et de la teste continuellement sortoyt un chant lugubre, comme lamentant la mort de Orpheus : la lyre à l’impulsion des vents mouvens les chordes accordoit harmonieusement avecques le chant. Reguardons si les voirons cy autour.