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Page:Rabelais marty-laveaux 02.djvu/496

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le qvart livre

en la gueule d’vne derniere cheminante, ſoubdain toutes s’arreſteront.

Dedans vn faulconneau de bronze il mettoit ſus la pouldre de canon curieuſement compoſee, degreſſee de ſon ſoulfre, & proportionnee auecques Camphre fin, en quantité competente, vne ballote de fer bien qualibree, & vingt & quatre grains de dragee de fer, vns ronds & ſphericques, aultres en forme lachrymale. Puys ayant prins ſa mire contre vn ſien ieune paige, comme s’il le voulut ferir parmy l’eſtomach, en diſtance de ſoixante pas, on mylieu du chemin entre le paige & le Faulconneau en ligne droicte ſuſpendoit ſus vne potence de bois à vne chorde en l’air vne bien groſſe pierre Siderite, c’eſt à dire Ferriere, aultrement appellee Herculiane, iadis trouuee en Ide on pays de Phrygie par vn nommé Magnes comme atteſte Nicander[1]. Nous vulgairement l’appellons Aymant. Puys mettoit le feu on Faulconneau par la bouche du puluerin. La pouldre conſommee aduenoit que pour euiter vacuité (laquelle n’eſt toleree en Nature[2], plus touſt ſeroit la machine de l’Vniuers, Ciel, Air, Terre, Mer, reduicte en l’antique Chaos, qu’il aduint vacuité en lieu du monde) la ballote & dragees eſtoient impetueuſement hors iectez par la gueule du Faulconneau, afin que l’air penetraſt en la chambre d’icelluy, laquelle aultrement reſtoit en vacuité eſtant la pouldre par le feu tant ſoubdain conſommee. Les ballote & dragees ainſi violentement lancees ſembloient bien debuoir ferir le paige : mais ſus le poinct qu’elles approchoient de la ſuſdicte pierre, ſe perdoit leur impetuoſité, & toutes reſtoient en l’air flottantes & tournoyantes à tour de la pierre, & n’en paſſoit oultre vne tant violente feuſt elle,

  1. Nicander. — Pline, XXXVI, 16.
  2. N’eſt toleree en Nature. Conformément à l’axiome de l’ancienne physique : Natura abhorret vacuum, « la nature a horreur du vide. »