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chapitre ix.

sa petite oye, ce sont braz, iambes, teste, poulmon, foye, & ratelle : tant luy deschicqueterois ses habillemens à bastons rompuz, que le grand Diole en attendroit l’ame damnée à la porte. De ces tabus ie me passerois bien pour ceste année, & content serois n’y entrer poinct. Point doncques ne vous mariez, respondit Pantagruel.

Voire mais, dist Panurge, estant en estat tel que ie suis, quitte, & non marié. Notez que ie diz quitte en la male heure. Car estant bien fort endebté, mes crediteurs ne seroient que trop soigneux de ma paternité. Mais quitte, & non marié, ie n’ay personne qui tant de moy se souciast, & amour tel me portast, qu’on dist estre amour coniugal. Et si par cas tombois en maladie, traicté ne serois qu’au rebours. Le saige dict. Là où n’est femme, i’entends mere familes[1], & en mariage legitime, le malade est en grand estrif. I’en ay veu claire experience en papes, legatz, cardinaulx, euesques, abbez, prieurs, prebstres, & moines. Or là iamais ne m’auriez. Mariez vous doncq de par Dieu, respondit Pantagruel.

Mais si, dist Panurge, estant malade & impotent au debuoir de mariage, ma femme impatiente de ma langueur, à aultruy se abandonnoit, & non seulement ne me secourust au besoing, mais aussi se mocquast de ma calamité, & (que pis est) me desrobast, comme i’ay veu souuent aduenir : ce seroit pour m’acheuer de paindre, & courir les champs en pourpoinct. Poinct doncques ne vous mariez, respondit Pantagruel.

Voire mais, dist Panurge, ie n’aurois iamais aultrement filz ne filles legitimes, es quelz i’eusse espoir mon nom & armes perpetuer[2] : es quelz ie puisse laisser mes heritaiges & acquetz, (i’en feray de beaulx

  1. « Ubi non est mulier ingemiscit egens. » (Ecclésiaste, XXXVI, 27)
  2. « En demeurant comme ie suis, ie laisse périr dans le Monde la Race des Sganarelles. » (Molière, Le Mariage forcé, sc. i)