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chapitre xiii.

estoient leurs corps lors qu’ilz composoient : & difficile chose estre, bons & serains rester les espritz, estant le corps en inanition : veu que les Philosophes & Medicins afferment les espritz animaulx sourdre, naistre, & practiquer par le sang arterial purifié & affiné à perfection dedans le retz admirable, qui gist soubs les ventricules du cerueau. Nous baillans exemple d’un Philosophe, qui en solitude pensant estre, & hors la tourbe pour mieulx commenter, discourir, & composer : ce pendent toutesfoys au tour de luy abayent les chiens, vllent les loups, rugient les Lyons, hannissent les cheuaulx, barrient les elephans, siflent les serpens, braislent les asnes, sonnent les cigalles, lamentent les tourterelles : c’est à dire plus estoit troublé, que s’il feust à la foyre de Fontenay, ou Niort : car la faim estoit on corps : pour à laquelle remedier, abaye l’estomach, la veue esblouit, les venes sugcent de la propre substance des membres carniformes : & retirent en bas cestuy esprit vaguabond, negligent du traictement de son nourrisson & hoste naturel, qui est le corps : comme si l’oizeau sus le poing estant, vouloit en l’aër son vol prendre, & incontinent par les longes seroit plus bas deprimé. Et à ce propous nous alleguant l’auctorité de Homere pere de toute Philosophie, qui dict les Gregeoys lors, non plus tost, auoir mis à leurs larmes fin du dueil de Patroclus le grand amy de Achilles, quand la faim se declaira[1], & leurs ventres protesterent plus de larmes ne les fournir. Car en corps exinaniz par long ieusne plus n’estoit de quoy pleurer & larmoier. Mediocrité est en tous cas louée : & icy la maintiendrez. Vous mangerez à soupper non febues, non lieures, ne aultre chair, non Poulpre (qu’on nomme Polype) non choulx, ne aultres

  1. Voyez Iliade, XIII, 20.