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Page:Rabutin - Correspondance, t. 1, éd. Lalanne, 1858.djvu/66

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CORRESPONDANCE DE BUSSY-RABUTIN.
50. — Bussy à madame de (Montmorency).
À Chaseu, ce 5 juillet 1667.

Non, madame, je ne vous ai point condamnée pour avoir été quinze jours sans m’écrire ; je ne vais pas si vite quand il s’agit de juger mal de mes amies, et vous êtes une de celles dont j’aurois autant de peine à me désabuser. Ce n’est pas que je n’aie été souvent attrapé avec d’autres ; mais je ne saurois me corriger de me confier en ceux que j’aime. En arrive après ce qui pourra. Il est vrai aussi que pour les gens qui m’ont une fois trompé il n’y a point de retour avec moi. Je ne dis pas cela pour vous faire peur, madame, car je sais que c’est l’honnêteté qui vous conduit et non pas la crainte ; mais je vous le dis pour vous faire voir à quoi se doivent attendre ceux qui m’ont abandonné dans mes adversités.

Au reste, madame, vous me surprenez par les nouvelles que vous me mandez de la guerre : je suis assuré qu’il y a plus d’un officier général en France qui n’en parle ni qui n’en écrit pas si bien que vous. Quand je ne connoîtrois pas, comme je fais, M. ***, je jugerois à votre style, que vous auriez un commerce fort étroit avec un habile homme. Je reçois encore des nouvelles d’ailleurs, mais elles ne sont ni si bonnes ni si bien écrites que les vôtres. Vous me ferez un fort grand plaisir, madame, de continuer ; vous n’obligerez pas un ingrat, et peut-être qu’un jour serai-je assez heureux pour reconnoitre toutes vos bontés.

Je suis fort fâché des déplaisirs du maréchal de Gramont, il n’y a guère d’homme en France qui soit plus à plaindre que lui : et pour moi, à qui vous mandez que je tâche de me consoler, je n’en ai pas grand besoin. Il y a bien des gens avec lesquels je voudrois avoir changé de fortune, mais il n’y en a point au monde contre qui je