Force la nuit à retirer ses voiles
Et peigne l’orient de diverses couleurs,
Ou que l’ombre du soir, du faiste des montagnes,
Tombe dans les campagnes,
L’on ne me voit jamais que plaindre mes douleurs.
Trompent mes sens par de si doux mensonges
Qu’ils donnent à mes maux un peu de reconfort.
Ô dieux ! de quel remede est ma douleur suivie,
De ne tenir la vie
Que des seules faveurs du frere de la Mort !
Et que je vois toujours dans ma pensée,
Jusques dedans les cieux commande absolument,
Et, si ce petit dieu qui tient d’elle ses armes
N’est captif de ses charmes,
Il en doit rendre grace à son aveuglement.
Borner mes vœux a de moindres conquestes.
Je devrois estre sage aux dépens du passé ;
Mais ses perfections, ses vertus immortelles
Et ses beautez sont telles,
Que pour estre insensible il faut estre insensé.
En tous endroits éclaire dans mon ame,
Comme aux plus chauds climats éclaire le soleil ;
Et, si l’injuste sort, aux beautez trop severe,
A fait mourir son frere,
C’est que le Ciel voulut qu’il n’eût point de pareil.
Contoit sa peine en cette solitude,
Glorieux d’estre esclave en de si beaux liens.