Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/124

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riant toujours et s’efforçant à la plus stricte politesse.

— Eh bien ! non… non… s’écria Berthe avec explosion, les femmes coquettes ont un cœur comme les autres, et si Jean s’occupait de mon cœur, je serais capable de comprendre …

Elle s’arrêta haletante, la joue empourprée.

— Vous savez ?… continua-t-elle après un silence que Maxime ne voulut pas rompre, j’ai fondé une bibliothèque chez moi, dans ma chambre, je me suis acheté des tas de livres sérieux. Je lis, j’étudie, je pense.

Je n’ai choisi que des auteurs moraux. J’ai même rencontré, à travers leurs pages, des héroïnes pareilles à celle que vous aimez… Je vais au Louvre depuis votre dernière visite… Je connais tous les Greuze et je vois, rien qu’en baissant les paupières, le mystérieux portrait de la Joconde. Je deviendrai si savante que personne ne voudra plus causer avec moi… Ah !… Monsieur, il est bien facile de toucher à tout quand on est gâtée… Vous m’excusez d’être gâtée… c’est bon, j’en profite.

Elle riait doucement, et de l’humidité de ses yeux bleus se dégageait une navrante angoisse ; la coquette faisait peu à peu place à la petite fille pleurante dont le jouet vient de se briser dans les mains.

— Vous ne vous trompiez pas, ajouta-t-elle, quand vous prétendiez que la mort d’un homme fait quelquefois l’éducation d’une femme.

Le comte la regardait avec stupeur.

— Ah ! çà, pensait-il, Berthe Soirès qui, de l’aveu