Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/142

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doute il avait préparé ce boudoir pour la recevoir, comptant sur sa visite comme si elle lui avait promis quelque chose. Oh ! cet homme possédait vraiment la science du bien et du mal !

Berthe se décida à ôter sa voilette ; malgré le froid qu’elle apportait de la rue, elle étouffait. Elle fit le tour du boudoir et ne rencontra personne.

Au milieu de la pièce, la table toute servie portait deux couverts, l’un à côté de l’autre ; les cristaux et l’argenterie lançaient mille étincelles que les glaces immenses qui ornaient les murs répercutaient joyeusement.

Ce boudoir de forme ronde ne paraissait avoir aucune fenêtre, la porte d’entrée se dissimulait dans une tapisserie rose. Le plafond était tendu d’une soie formant les rayons d’un gigantesque soleil d’étoffe ; un petit lustre en verre de Bohême rose descendait du centre sur les réchauds d’argent. Des divans larges et bas meublaient seuls ce nid d’amour.

Berthe se décida à tousser un peu. Comment n’était-il pas là pour la recevoir, la rassurer et l’empêcher de devenir tout à fait folle ?…

Après un quart d’heure d’attente, Berthe finit par sonder les tentures, entre les glaces ; elle essaya de s’en aller par où elle était venue, mais elle s’aperçut avec étonnement qu’elle se trouvait prisonnière : la mystérieuse porte ne se rouvrit plus. Alors elle fouilla fébrilement les moindres draperies, exaspérée, prête à lui crier qu’elle se jetterait par la fenêtre si elle voyait enfin une fenêtre.