Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/158

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longue de sa chambre à coucher, contemplant les rayons de sa bibliothèque à jamais dégarnis.

Elle sentait si bien, Berthe, qu’elle ne volait rien à son mari en adorant le comte Maxime, que, parfois, le désir de parler de lui devant Soirès la poignait, irrésistible. Elle eût voulu qu’il lui laissât le droit de s’écrier tout à coup : « N’est-ce pas, Jean, que le comte de Bryon est un charmeur ?… » et qu’il lui répondît, très calme : « Je suis de ton avis, c’est un charmeur ! »

Après, elle l’aurait embrassé plus heureuse, n’ayant pas un seul remords.

Sa principale distraction fut de causer avec des gens qui le voyaient. Le poète Desgriel vint lui lire son sonnet, mais il ajouta par hasard :

— J’ai rencontré chez madame de R… le comte de Bryon. Il était très aimable auprès de cette petite Lydia de Serres… Oh ! qu’elle est donc fatalement brune, la baronne Lydia !

Il est une habitude, chez les poètes du moment, d’employer des adverbes longs : ce « fatalement brune » ne voulait pas rendre une idée un peu logique, mais Desgriel aimait ces phrases creuses.

Enfin, Maxime était pour longtemps à Paris, elle le savait, elle pouvait vivre le sachant à tous les instants du même monde qu’elle.

Comme elle songeait souvent que l’impossibilité de se rencontrer de nouveau ne venait que du serment exigé par Soirès, elle finit par le chercher d’une manière vague, ne se croyant pas très cou-