Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/172

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Soirès lui, excitait encore les quolibets, secouant la fille qu’il accusait de mièvrerie, et lui répétant que les pécheresses ne doivent pas prétendre à la fierté.

— Vous me faites un mal inutile ! dit-elle enfin d’un ton sourd, presque menaçant.

Desgriel tressaillit.

— Je connais cette voix-là ! pensa-t-il.

Cependant il ne lui vint pas à l’idée que ce pouvait-être la voix de Madame Soirès. Le poète inventeur de tous les raffinements obscènes, de tous les vices délicats n’aurait pas osé croire que le banquier avait amené sa femme sous le déguisement d’une prostituée florentine.

Près du buffet, Berthe, saisie de vertige, affolée de ces regards de convoitise qui la brûlaient en dépit de son lourd manteau, supplia doucement Soirès de la reconduire à leur voiture : elle sentait qu’elle allait se trouver mal.

— Vous me suivrez jusqu’à la Maison d’or, Berthe, lui dit-il froidement. Il faut que vous sachiez ce que c’est que la situation de maîtresse, puisque vous voulez devenir celle du comte de Bryon.

Elle eut un tremblement qui la secoua tout entière.

— Je suis trop punie… tu n’es pas juste ; les agneaux quelquefois se révoltent, Jean, ce n’est pas moi seule que tu outrages… c’est ton nom… Tout à l’heure ils me caressaient la gorge, ils finiront par m’arracher mon masque.

À cet instant un couple leur barra le passage.