Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/235

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la haine !… pas plus son enfant que celui de son mari… et il n’aurait aucun nom… il serait un petit maudit pour l’éternité.

Anne n’osait point faire part de ses réflexions, elle, mais la pieuse Bretonne se disait tout bas que le plus simple aurait été de retourner, la mère et l’enfant, à la demeure conjugale. On aurait pardonné au revenant ce qu’on n’aurait pu pardonner à la femme vivante. Berthe ne se considérait pas comme vivante et elle ne parlait jamais de Jean. Il fut donc inutile de discuter sur une éventualité de cette nature.

Le comte envoya une splendide layette choisie par la duchesse de Sauvremieux qui était revenue à Paris.

Berthe redoubla les lettres suppliantes, voulant que Maxime vint la nuit à Bryonne pour y respirer au moins où elle avait respiré quelquefois. Elle allait souvent visiter les marbres italiens, les médailles antiques, la grande bibliothèque du château, rêvant des heures entières devant les portraits de ses aïeux et faisant répéter au vieil intendant, qui lui prêtait les clefs, les histoires de toutes les chambres. Là, il avait eu son berceau ; ici, sa mère était morte ; et plus loin, dans un gigantesque escalier à rampe fleurdelisée, il était tombé en jouant, son sang avait coulé sur une marche.

Le vieil intendant ne s’étonnait pas de voir venir cette jeune femme frêle et triste dont les cheveux étaient d’un blond si doux… Il avait reçu de mysté-