Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/239

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brode très bien. Ou même du linge à vous raccommoder ? D’abord je m’ennuie, moi, de ne rien faire sous prétexte que je suis malade !

Elle le priait avec l’ardeur d’une femme qui sent qu’elle n’a plus le droit de s’offenser d’un refus.

— Madame, murmura le vieux prêtre, ma paroisse est très pauvre, je ne fais pas broder mes étoles, cependant… voyons… ne pleurez pas… il y a un mariage entre Pierre et une fille de ferme, la couturière du pays est justement très âgée… si vous pouviez lui aider… hein ? J’ajouterai que la bannière de la Vierge est en mauvais état. Les rats m’ont mangé deux anges qui couronnent la mère de Notre-Seigneur… savez-vous broder des anges ? Je voudrais qu’ils eussent de gros yeux d’un beau bleu foncé !…

Berthe se leva, prise d’une joie intense.

— Oh ! Monsieur le curé ! j’ai brodé des bannières au couvent… et vous aurez de gros yeux bleus, de la nuance de ce ciel… vous verrez !…

La semaine suivante, madame Soirès, au milieu des élégances de sa chambre, ne regardant plus que rarement le portrait du comte Maxime, gracieux et hautain dans son cadre d’ébène incrusté d’ivoire, madame Soirès travaillait à la robe de noce d’une fille de ferme. Elle se piquait un peu les doigts, car elle n’avait pas cousu depuis le couvent et elle allait lentement parce que sa fatigue redoublait.

Anne s’essuyait les joues derrière elle,

— Je ne sais pas ce qu’elle a, cette créature du bon