Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/268

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coucher, profitant de son âge pour se faire traiter en reine du temps jadis.

Lorsque M. de Bryon pénétra chez elle, une seule lampe éclairait la chambre à coucher, une lampe au globe rosé teintant les choses d’une amoureuse lueur ; le lit de forme duchesse à baldaquin vert céladon avait deux marches de bois des Îles. La vieille femme s’appuyait sur un vaste oreiller recouvert de malines, un bonnet très ruché de tulle illusion lui serrait ses cheveux blancs, des cheveux de neige. Elle avait une pointe de fard à la joue, un œil de poudre dans les rides… peut-être une ligne de crayon sous les yeux. Sa main, maigrelette, sèche et fine, était imprégnée d’une fugace odeur de bergamote. Les courtines de soie brochée, à bouquets Pompadour, s’entassaient sur ses pieds frileux dans un désordre tout Watteau. Cette cascade d’étoffes splendides, pourtant de nuances éteintes, exhalait une suprême indifférence de l’étalage riche : elles étaient là, ces courtines, parce qu’il faisait froid et qu’on en avait besoin.

Une levrette havane, d’une forme adorablement héraldique, assise dans une bergère, écoutait, l’air soucieux, le tic tac monotone d’une pendule de Boule placée en face d’elle.

— Comte, murmura madame de Sauvremieux offrant son index à son favori, j’ai failli attendre !…

— Pardon, ma souveraine, je mérite le pire des supplices… je vous apporte de mauvaises nouvelles. Je n’osais me presser.