Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/41

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moustaches hérissées, comme furieux, et au milieu d’un cercle de femmes décolletées, ruisselantes de pierreries, était assise par terre une très maigre enfant de seize ans, vêtue d’une robe montante, qui regardait aussi le plafond d’un air hébété, sinon convaincu.

Le plus solennel silence régnait parmi ces gens que Soirès avait laissés en train de polker. Les gilets à cœur de l’assistance avaient, malgré leur jeunesse, la gravité qu’il convient de prendre dès qu’il s’agit de s’amuser selon l’époque.

Rien de plus grotesque que cette assemblée. Le couple Soirès, quoique au courant, faillit perdre contenance.

Il y avait chez les Soirès, comme dans tous les salons parisiens, au plus fort de l’hiver, un ou deux journalistes célèbres, des artistes dont le nom était déjà une signature, et dans les coins une douzaine d’ex-beaux regrettant l’empire.

Beaucoup de roture, quelques titres sonores sans généalogie possible. Et surtout, surtout, des femmes du monde ruinées, devenues d’aimables aventurières.

Une comtesse ayant dû épouser le troisième empereur et faisant un peu de politique européenne, sans inconvénient pour l’Europe, la veuve d’un Cacique, les deux filles d’un chanteur mariées toutes les deux au même mari, l’une plus, l’autre moins, enfin une espèce de cariatide distinguée, soigneusement vêtue d’un costume neutre, ayant une tête