Page:Rachilde - À mort, 1886.djvu/92

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bals aussi mouvementés ; on s’est amusé, hier, à mourir.

— Allons, Soirès, que devient l’Ouest-Algérien ?… Votre femme est délicieuse dans ce déshabillé violet… Elle tenterait Carolus Duran.

Tous en chœur reprenaient le même compliment, le verre de Frontignan ou de Malaga aux doigts, et les regards luisaient de méchancetés contenues.

— Il paraît, ajoutait un des journalistes habituels, que cette petite folle (et il baissait de ton) aveuglait un à un tous les oiseaux d’une volière quand cela lui prenait !

Phrase équivoque mais très digne du siècle qui s’occupe beaucoup de l’hystérie des filles de la Salpêtrière, très peu de l’éducation des jeunes épousées.

La jolie tueuse se levait quelquefois, les mains tendues vers les arrivants, leur parlant à voix basse d’un air si caressant qu’il aurait dû leur faire peine. Elle s’adressait le moins possible aux femmes, et celles-ci, envieuses d’une situation aussi romanesque, affectaient, en mangeant des petits gâteaux, une réserve glaciale. Soirès se retirait pour courir aux affaires, quand M. de Bryon fit une entrée bien différente de celle de la nuit. Il louvoya de meuble en meuble, d’un air agacé de se retrouver là, puis il se présenta cérémonieusement à Berthe, afin de lui demander de ses nouvelles.

— Mais, je suis mieux, monsieur de Bryon… Elle sonna tout de suite pour avoir des lumières.