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UNE AFFAIRE UBU


jonctif, mais avec l’infinitif même du verbe perdre. On rit, certes ; mais certains se fâchèrent aussi, et toute la représentation fut entrecoupée de manifestations en divers sens. Ce qui est vrai, c’est qu’à la fin de cet étrange spectacle, le nom d’Alfred Jarry, proclamé par son principal interprète, entrait dans la célébrité.

C’était un jeune littérateur breton, né en 1873, fort répandu à Paris dans les milieux littéraires d’avant-garde, collaborateur de la Revue blanche et du Mercure de France. Il menait l’existence la plus absurde, habitait une mansarde près du carrefour Buci, seul avec deux hiboux, portait des costumes hétéroclites, généralement miteux, et mourut prématurément en 1907, de misère, de tuberculose et d’alcoolisme. Il n’était pas si paresseux, en somme : il a laissé plusieurs volumes, où il y a des choses qui ne sont pas méprisables. S’il avait vécu et s’était débarrassé de certaines manies, il aurait eu du talent. Mais Ubu-Roi fut son unique succès. Ubu-Roi lui a donné une espèce de gloire, qui a persisté après sa mort, et qui lui paraissait définitivement acquise. Deux événe-