Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/100

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Lille.) Il vint me les amener et leur parla comme à des personnes, d’un ton grave bien ému : « Je vous laisse à la dame. Obéissez-lui et gardez-la convenablement. Faites votre métier pour gagner votre soupe. » Les chiens se couchèrent sagement. Ils eurent un sanglot de grands enfants qui n’osent pas pleurer en présence de celui qui dicte la leçon à apprendre. Dès qu’il fut parti, ce fut un terrible concert. J’avais beau leur expliquer qu’en guerre on ne peut pas choisir son… ennemi, on les entendait hurler à tous les échos de la falaise : « C’est pas des chiens, c’est des remorqueurs ! » me déclara un mendiant qui passait. Leur chagrin s’en alla, jour à jour, au fil de l’eau. Mina, laissée trop libre, rapporta même un lapin de garenne dont elle m’offrit le train de derrière, et Rip faillit dévorer un facteur. Ah ! mes chiens ! Ne viendra-t-il pas un temps où, en effet, le facteur sera votre unique ressource ?… De même qu’il m’apporte, à moi, le seul aliment complet dont je veuille nourrir mon esprit aux dépens de mon corps, puisque je lis toujours mes let-