Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/139

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Je suis pétrifiée de dégoût, de froid et de stupeur ! Qui a osé faire cela, sous ma fenêtre, et comment n’ai-je rien entendu cette nuit ? Le dégel ? Non ! La neige persiste. L’eau des poules formait un bloc de glace dans leur abreuvoir, ce matin, et le vent souffle toujours du nord, embrouillant la laine des flocons avec les écheveaux du fil de la pluie. C’est une bourrasque qui vous coupe la respiration…

Certes, je m’attendais à tout, mais pas à ça. Ce ne sont pas les chattes, elle sont prisonnières au grenier. Ce ne sont pas les chiens qui ne sortent jamais de leur cour… Je me trouve en présence d’un cadavre qu’on a retué, quoi ! C’est monstrueux, mais c’est réel : Pierrette a le ventre ouvert. On l’a fouillée, retournée comme un sac et elle paraît plus grande, plus énorme que jamais. Elle s’étale comme un tapis de neige boueuse et rougie de sang. Ce n’est plus intérieurement qu’une bouillie. À l’endroit des mamelles, du lait s’écoule encore qui a la couleur du pus des blessures gangrenées.