Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/143

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aussi bien au fond de l’eau qu’au fond de la terre !… Je n’ai pas le choix des éléments, mais j’ai juré de te venger, grand’mère, j’aurai la peau du ventre de cette femme ! Je sens que je l’aurai… et comment !

Je rame. J’ai froid. Ça me réchauffe. Je suis assise dans un coussin de neige. J’ai tout juste ma chemise et ma robe de chambre. J’ai oublié d’aller prendre un jupon et j’ai les pieds nus dans mes pantoufles. Ah ! si le bon compagnon me voyait en cette posture ! Tout est au mieux dans la pire des situations, parce que tout sera propre quand il reviendra samedi, drame terminé, Pierrette immergée, l’eau coulera sous le pont de ma colère nettoyant les traces de ces pourritures physiques et morales. La colère, en effet, me soulève au-dessus de cette rivière, furieuse aussi. Voilà que je vais trop vite. Je dérive. Quand il faudra remonter, ce sera une autre histoire. Allons tout de même bien au milieu… Là… Pierrette, le grand voyage commence pour toi. Je te redemande pardon, il faut se séparer : tu n’avais que ta peau… tu t’en vas avec elle…