Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

aller préparer une collation sur l’herbe. Elle montait dans un wagon de dames seules où l’on apercevait des fumeurs ! On attendit une heure le train suivant, au milieu du concert d’imprécations de voyageurs de plus en plus nombreux. Ce fut alors qu’il me vint une mauvaise pensée. Le bon compagnon me poussait vers un compartiment ; au lieu de lui tendre mes paquets, je glissai dans la foule, me laissai entraîner et je filai, je filai comme une épave, serrant ma cassette à bijoux, mon sac et le petit chat, la mascotte dont je m’étais chargée parce que les gros l’étouffaient. Puisqu’ils étaient sauvés, le père et la fille, si je revenais tranquillement chez moi ? Mon insurmontable horreur de la cohue me reprenait aux entrailles. Je ne pouvais plus voir ça, ni en faire partie ! Le long du quai, tiraillée, bousculée, j’abandonnai tous les compartiments possibles, premières, deuxièmes, troisièmes classes.

Ah ! qu’importe donc de quel enterrement on sera… c’est la fosse commune au bout ! Moi, je veux rester ici où il y a de l’eau, de