Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/55

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pas les buffets de gare qui manquent, ni les cantines, à défauts de buffets de bals. Je ne suis que le pauvre volontaire, le plus récalcitrant de tous, le nouveau pauvre, celui qui juge l’argent au-dessous de sa valeur.

Oui, j’entends le bruit de la guerre, tous les bruits les plus sourds et toutes les clameurs les plus lointaines, car ici je vis dans le silence. Je suis toute seule absolument. Je n’ai plus d’amis, plus de réfugiés, plus de gardiens, plus de domestiques. Tout cela est tombé de moi comme tombent les feuilles quand l’arbre a froid. Il n’y a plus chez moi qu’un fantôme de servante dans le pavillon où vécurent jadis des jardiniers, une créature enceinte, la femme d’un poilu reparti sur le front lui ayant laissé quatre enfants, dont un encore dans l’œuf, mouche ligotée entre les pattes visqueuses de la vie, de celles qui ne permettent, heureusement, ou malheureusement, pas de crier au secours.

Je n’ai pas de vision, ni d’hallucination, hélas ! (ça m’amuserait, moi, d’entendre des