Page:Rachilde - Dans le puits, 1918.djvu/63

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gens de l’arrière. Se soupçonnant les uns les autres, ils se pourrissaient les uns les autres. La vie reprenait son cours. On remâchait de vieilles histoires, des vengeances ou des projets. — J’ai vu la loutre, prise au col dans une pince d’acier et destinée à mourir par l’étranglement progressif (pour ne pas abîmer sa fourrure), mâcher encore, avec un reste de satisfaction rageuse, un morceau de poisson gâté ! Quand on avait dit une énorme bêtise, on ajoutait : « Ne pas s’en faire ! », mot dont il faudra instruire longuement le procès ! L’enthousiasme, les grands frissons de la vie supérieure, ça ne dure pas. La vie inférieure remonte et submerge tout, marée où surnagent beaucoup plus d’épluchures de cuisine que de panaches tricolores.

Des histoires de guerre ? N’attendez pas que je vous en invente ici ou que je vous en traduise en un langage de style soutenu. Il ne m’est rien arrivé, sinon le drame intérieur de tous les jours, parce que, pour celui qui écoute en mettant son oreille contre terre, il