Page:Rachilde - L’Amazone rouge, 1931.djvu/33

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ne peut se résigner à dépouiller tout à fait l’habit.

Au bas bout de la table, comme il convient à une femme en présence des directeurs de son existence, est placée Félia de Tressac, une fille de vingt ans, la fleur de la branche, tout l’épanouissement de la vieille race du pays. Le visage carré, comme celui d’une chatte, a la pâleur chaude des roses poussées à l’ombre, mais les yeux sont immenses, tiennent toute la figure et ont le bleu des corolles du lin mêlées d’un gris changeant, allant du vert au noir, parce que les prunelles paraissent absorber le blanc du regard en ne lui laissant plus de marge. Les paupières sont couchées en travers des globes cristallins comme deux rideaux sur une vitre. Elle a l’air de ne pas voir ou de regarder en dedans des choses connues d’elle seule. Son nez, très rond du bout, sa bouche à peine indiquée, petite sangsue rouge, rendent ce visage très bizarrement enfantin, qui ne compte pour un visage de femme