Page:Rachilde - L’Amazone rouge, 1931.djvu/90

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sicien qui veille encore et qui joue très doucement, pour lui seul, comme on parlerait bas, le chant liturgique du Kyrie.

C’est la prière désespérée de ceux qui n’ont aucun espoir dans la vie et s’en remettent à Dieu pour qu’il assure leur bonheur dans un autre monde.

Félia ne prend pas la peine de chausser ses pieds nus. Elle tremble pourtant de froid et d’angoisse. Tout son corps n’est qu’un frisson, elle claque des dents, mais elle avance.

À chaque soupir de l’harmonium qui pleure ou supplie là-bas un ciel inexorable, elle risque un pas, puis un autre pas et s’affermit peu à peu dans sa direction vers cette singulière prière de mort qui est peut-être, pour elle, le signe d’une rédemption future.

Félia n’est cependant ni pieuse, ni amoureuse, mais elle est toujours celle qui obéit machinalement à ses supérieurs. Sa volonté n’est plus que celle de l’aîné, d’un père ou d’un frère.