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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/122

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modes collantes qu’on ne portait plus, qui vous la dessinaient nue au milieu de cent femmes habillées de draperies compliquées. Enfin, elle sentait bon la lavande comme un linge pur, elle était grave, calme, représentait bien une ignorante ne sachant qu’une chose : qu’elle a le temps, toute la vie pour apprendre ; et elle souriait d’un sourire contraint, comme l’enfant qui va s’éloigner prochainement de sa famille.

La perspective de leur voyage de noces à Paris, ce retour à ce luxe des plaisirs honnêtes : les théâtres, les restaurants chers, les courses en voitures parmi des rues illuminées, le charma une seconde. Il jouit d’avance de ses stupeurs et de ses ravissements de jeune pensionnaire provinciale lâchée dans le palais des joujoux. Certes, cela serait une date mémorable, elle se la rappellerait longtemps, elle y ferait de discrètes allusions, les soirs d’hiver, quand ils entendraient souffler la bise et se resserreraient l’un près de l’autre, elle préparant une layette, lui lisant son journal…

Si les affaires de l’étude marchaient, ils retourneraient à Paris, s’offriraient quelques excursions, des voyages du côté de la mer. Mon Dieu, en attendant, il allait se fixer d’une manière agréable. Pas une grosse fortune, et des beaux-parents singuliers : madame Lordès prononçait toujours trépas au lieu de mort, sauçait son pain dans le jus ; M. Lordès plaisantait comme un recueil distribué à la foire ; mais la fille serait vite façonnée aux