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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/124

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— Je ne la regarde pas, mademoiselle, je vous regarde…

C’était absurde, cette entrée en matières, il le sentait, mais pour la province…

— Elle est rouge, rouge, répéta Laure qui pâlissait, se rapprochant de lui.

Henri lui prit le poignet, très lentement, ne voulant pas l’effaroucher, et il ajouta :

— Nous allons être bien heureux, n’est-ce pas, ma chère petite fiancée ?

Laure lui donna sa main, et, sans qu’elle s’en rendît compte, elle livra un à un ses doigts qui s’enlacèrent à ceux du jeune homme ; ils joignirent ainsi leurs paumes. Durant ce témoignage de confiance, Henri se souvint que la dernière maîtresse qu’il avait eue, la seule peut-être aimée plus qu’un bel objet d’art, lui pressait les doigts de cette façon aux heures de l’intimité, et il se mit à rire tout à fait :

― Êtes-vous nerveuse, mademoiselle Laure ?

— Je ne sais pas, monsieur Henri.

— Puisque vous avez peur de la lune !

— Près de vous, je n’ai plus peur de rien, répéta-t-elle.

Henri porta la main de la jeune fille à ses lèvres et la baisa très légèrement. Laure faillit s’évanouir. C’était l’aveu, l’aveu définitif, et elle se voyait déjà dans ses bras ; blottie sur sa poitrine. Sa tête se penchait, quémandant l’épaule du jeune homme ; elle avait envie de lui crier :