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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/162

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— Oui, tu as été bon, mon frère, répondit Laure, je m’en souviendrai !

— Tu m’écriras, ma sœur, tu me donneras toujours ton adresse ?

— Oui, je te le promets, affirma-t-elle les yeux fixés sur la gare.

Elle lui entoura les épaules de ses bras qu’il remontait lui-même, éperdu, et ils se baisèrent sur la bouche. Il semblait maintenant au jeune prêtre qu’il était un homme comme tous les hommes, sans sa robe noire, enfin dépouillé de la livrée sainte et funèbre. Ne pouvait-il aussi abandonner sa misérable existence, fuir avec elle, se sauver de la malédiction publique, goûter du bonheur. Oh ! comme il était las du chemin parcouru et du désespoir de son amour ! Laure s’exclama :

— J’entends une cloche. Ne me fais pas manquer le train, dis !

Manquer le train ! Ah ! oui, ce serait risquer de ne pas pouvoir le rejoindre, lui, le fiancé choisi par sa sollicitude de bon frère dévoué… lui… Henri Alban ! Il eut un recul jaloux, les bras de Laure se dénouèrent.

— Je souhaite que Dieu me punisse tout seul, ma sœur, balbutia-t-il.

Et il retrouva, malgré son bouleversement, une phrase de confesseur :

— Allez en paix, mon enfant !…

De la route, il vit partir le train qui l’emportait ;