Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/22

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La jeune femme les pêchait un à un au milieu de l’épervier parfumé. Le chat noir se frottait contre ses seins, le chat gris folâtrait avec la mèche la plus longue, pendant que le chat fauve se roulait sur le chat blême, l’un dessus, l’autre dessous, bobines enragées, tournant en sens inverse et mêlant l’écheveau très affreusement. Elle souffrait un peu de tous ces tiraillements, mais pour une couronne elle n’aurait pas abandonné la partie. C’était bien la joyeuse compagne désirée ; sous le voile de sa chevelure, la face attentive, elle leur apparaissait la plus adorable des femelles. Qui connaît les espérances cachées de certains paladins de gouttière ? Qui peut dire l’ardeur et l’audace de leurs vouloirs ? Le chat noir n’avait-il pas rêvé, une nuit de carnaval, de rencontrer un astre vivant, une comète sombre portant une traîne de soie floche ? Qui sait si le grand chat noir ne songeait pas, les soirs de rareté de chattes, à tomber, d’un bond fantastique, les quatre pattes sur une lune aux yeux pers, ou une étoile angora ? Les chats ne s’imaginent-ils pas le ciel d’hiver comme une fourrure d’où, jailliraient des étincelles, et, tout mélancoliques, flânant à l’ombre des cheminées, n’ont-ils pas, un jour d’orage brûlant, pensé que le tonnerre était le formidable ronron d’une déesse ?

Le chat gris, ayant exécuté une série de dévidages artistiques, se trouva presque étranglé, et la femme dut le délivrer en y employant une adresse patiente.