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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/24

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glissaient vers la femme sur d’invisibles roulettes, ouvraient subitement des gueules héraldiques et crachaient du musc en tirant des langues recourbées, à leur extrémité, comme de rouges yatagans.

La jeune femme finit par pouffer de rire ; de crainte d’éveiller les voisins, elle se cacha la figure dans ses bras, car les toitures environnantes étaient pleines de mansardes, et quelques lucarnes pouvaient bien s’ouvrir par cette bonne nuit d’avril.

Quand elle se redressa, toute le bande avait disparu : un truc de féerie n’eût pas été plus prompt. Seul ce grand diable de chat noir, debout, restait, obscurcissant la lune. Il s’approcha, comptant ses pas, flairant le verre dépoli. Près d’elle, à un pouce de son visage, il jeta un long miaulement, farouche, se gonfla, coucha ses oreilles ; puis il examina l’entrée de cette chambre, donna un coup de tête à l’angle du vasistas. La femme le caressa. Il avait une physionomie féroce, pourtant si énamourée qu’elle n’eut pas de répugnance à le serrer de nouveau contre elle ; mais, en reniflant l’odeur de ses cheveux qu’il prenait de plus en plus pour une fourrure, l’animal se trompa…

Chez elle, très confuse, la jeune femme dut allumer une bougie et repeigner sa chevelure.

— D’où viens-tu ? murmura l’homme qui ne se réveilla qu’à la sentir toute grelottante à ses côtés. Voyons, Laure, tu n’es pas raisonnable.