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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/244

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blier de cuisinière ou une botte de modiste…

— Quel rêve ! interjeta Laure en riant.

— Nous nous épouserions et nous irions manger des gibelottes du côté de Suresnes où habite mon oncle !

— Si vous tenez aux gibelottes, pas besoin de s’épouser pour aller à Suresnes.

— Il y a le monsieur !

Laure s’amusait à frapper le cristal dépoli du talon de ses mules, et elle riait très haut, d’un rire mauvais.

— Le monsieur t’effraye donc bien, grand sot !

— Vous l’aimez.

— Non, il me paye, rien de plus.

— Oh ! s’écria le jeune homme devenant farouche, répète pas cette saleté, je suis capable de te pousser dans la rue !… C’est que je t’aime, entends-tu bien, j’ai le cœur tout barbouillé de toi !… Et voilà tout un hiver que ça dure ; j’ai beau me dire que tu n’es pas pour mon sacré museau d’ouvrier, j’en pince pourtant comme un imbécile… Je te flaire dans le vent comme un chien flaire son maître. Je voudrais me périr et je voudrais te battre ! Je ne sais plus si un et un font deux, à tel point, vois-tu, que si tu te moques encore de moi, je n’aurai plus de cervelle. Je cognerai sur celui qui t’embête… Mais pour t’avoir, oh ! rien que pour t’avoir !… Non, c’est-y malheureux, je lui ai dit et je voulais pas…

Il se cacha la figure dans ses bras, désolé.