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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/255

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mademoiselle Lordès, donnez-m’en un reçu » ; et il dit encore, me tournant les talons : « Un de mes amis viendra cette après-midi pour prendre les choses qui sont à moi, là-haut : mes livres, mes papiers et les meubles du petit salon. » Puis il fila, raide comme un homme en bois ! Bon, que j’ai pensé, l’anguille, c’est qu’ils se sont quittés, et la petite le regrette !… malgré que… enfin, vous saisissez, mademoiselle, on a des yeux pour voir. Les déménageurs faisaient du tapage. « C’est qu’elle est très bas ! » que je leur souffle. Il ne savait même pas que vous étiez malade, Monsieur ! Je n’y comprenais plus rien. Plus ça paraissait s’éclaircir, plus ça s’embrouillait. Mais le plus beau de l’histoire, c’est que le petit apprenti, le garçon coiffé à la malcontent, venait tous les matins demander de vos nouvelles de la part de Monsieur ! On a dégarni le salon en un tour de main avec les déménageurs. Je me fourrais devant la chambre à coucher pour qu’ils n’entrent pas. D’ailleurs vous étiez sous la glace comme un poisson sous la Seine. N’y avait pas de danger de vous voir bouger. Moi, ça me chiffonnait de voir partir les meubles, l’ami de Monsieur s’en alla en haussant les épaules : « Elle en mourra pas, qui me dit, et on lui laisse une chambre joliment chic, un lit de satin, les instruments de son métier, quoi ! » Les jeunes gens, ça plaisante toujours, vous comprenez, mademoiselle. Là-dessus, je lui tire ma révérence, trop honnête de ma nature pour lui répondre du même tonneau,