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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/257

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choses, peut-être, si elle lui avait permis de la voir jusqu’au moment décisif choisi par lui, et encore il se montrait vraiment bon ; après l’apparition d’Auguste, il pouvait se retirer sans se préoccuper d’une fille se dévergondant à ce point.

Laure murmura, navrée.

— C’est fini, bien fini !…

— Ma foi, soupira la concierge, quand on a son terme payé pour longtemps !

La journée s’écoula paisible. Les interminables racontars de la concierge, où se mélangeaient à égale dose son mépris pour les situations irrégulières et son estime pour les jeunes gens corrects, la berçaient et l’endormaient.

Mais, demeurée seule avec son Lion, qui la regardait tristement, seule avec la veilleuse funèbre remplaçant le soleil et dessinant de grandes ombres sur les étoffes, les vitrages, elle eut une crise d’inexplicable désespoir qui la rejeta en pleine fièvre.

Le pauvre animal, tout révolutionné devant cette malade divagante, se mit à courir d’un bout de la chambre à l’autre. Il bondissait sur le lit, rebondissait sur la table, et, grimpant sur le chevet, se penchait du haut des oreillers où la tête de Laure se roulait de droite à gauche, comme mue par un ressort, il grattait furieusement les draps, lui léchait les mains et poussait des clameurs d’enfant éploré, de ces cris qui passent par tous les tons de la gamme, tiennent des sons aigus ou graves, pendant des minutes, avec la persistance d’une cloche