Aller au contenu

Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/29

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vers les larges feuilles, derrière une branche, brillaient deux yeux, deux escarboucles.

— C’est Laure qui est là, disait M. Lordès.

— La gamine, ajoutait madame Lordès, est toujours fourrée là comme une sainte dans sa niche.

La mère l’avait mise au monde passé la quarantaine, ayant déjà désespéré de sa naissance, et la petite Dieudonnée pouvait saccager leurs plantes favorites : on la gâtait. Quand elle fit des pas toute seule, on la mena devant la forêt en miniature et cette merveille l’éblouit ; des témoins dignes de foi la virent battre des mains et l’entendirent s’exclamer de plaisir. Dès l’âge de raison, elle pénétra sous la voûte obscure que formait leur bosquet nain et s’accoutuma aux senteurs violentes qu’exhalaient ces larges feuilles. Saturée de ce parfum, nourrie des tiges confites, ombragée par leurs ombelles et fleurie de temps en temps d’une grappe de leurs fleurs blanches modestes dites : fleurs de religieuse, il semblait que l’enfant fût, elle aussi, une sorte d’angélique destinée à étonner la ville. D’ailleurs, il est bien de déclarer que son approche ne tuait pas les souris. Elle était réservée, d’une pâleur de corolle, poussait des cheveux immenses, des cheveux noirs, luisants, et son haleine embaumait ceux qui, par hasard, la baisaient sur la bouche.

Au moral, l’enfant présentait des anomalies singulières.

Innocente, et cependant troublée par des idées