Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/314

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

La morsure fut tellement prompte et tellement douloureuse que la jeune femme n’eut même pas la présence d’esprit de chercher à le saisir par la peau du cou, elle ne put que s’emparer de sa longue queue fouettante, et Lion, rendu plus furieux, se mit à lui lacérer les joues, le nez, la bouche, de ses griffes et de ses crocs, à lui labourer les épaules, les bras, arrachant des lambeaux de satin jaune quand il ne trouvait plus des lambeaux de chair. Le chat et la femme roulèrent pêle-mêle sur le tapis, dégringolant de ce lit ravagé, hurlant, glapissant, se débattant, comme tous deux possédés par une suprême rage de désespoir.

Au lieu de fuir tout de suite, quitte à l’emporter incrusté dans ses propres morsures, Laure, affolée, voulait l’attendrir, le suppliait, l’implorait avec des larmes ; puis, exaspérée par la douleur cuisante des blessures horribles qu’il lui faisait, elle essayait de se l’ôter en tirant frénétiquement sur cette couleuvre qui s’enroulait autour de ses membres nus, le mordait à son tour, lui enfonçait ses doigts dans ses flancs creux, se retournant sur lui pour l’écraser, tâcher de lui briser les reins sous le poids de ses reins, et toujours le chat la tenait entre ses griffes d’acier, d’où giclaient de minces fusées de sang.

Un moment, le front levé dans la direction des toitures, du côté du vasistas, elle jeta des appels aigus, cria au secours ; et elle se souvint aussitôt