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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/80

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d’un ouvrage de tapisserie destiné à la fête de sa mère.

Un mois s’écoula, pour la jeune fille, dans la création de projets chimériques. Elle songea, un matin, à s’habiller en homme et à se faufiler derrière la cure d’Estérac, où il y avait une terrasse ombragée de noisetiers. La servante de l’abbé était une vieille béguine du genre de Joséphine, leur cuisinière ; de plus, on la disait sourde comme un pot.

Elle abandonna cette folle idée le soir même pour une autre extravagance ; elle lui écrirait, lui dirait sa grande passion, le forcerait à répondre en le menaçant d’un suicide scandaleux. Elle se releva, la nuit, commença un brouillon de lettre, et s’aperçut que les mots, sur papier blanc, étaient d’une crudité révoltante. Elle ne pouvait pas aligner ces choses-là… soit qu’elle n’eût pas l’art des tournures de phrases, soit qu’une pudeur lui vînt en déshabillant son âme, comme à l’époque lointaine où le paysan Marcou déshabillait son corps. Elle renonça résolument aux lettres d’amour. De réflexion en réflexion, elle finit par déplorer la comédie de l’attaque nerveuse. Avec cela qu’une malade pouvait tenter un homme bien portant ! Ah ! s’ils n’arrivaient pas tout de suite à s’entendre, la partie était perdue, car les occasions de se rencontrer se faisaient trop rares. Elle eut des crises de larmes au fond de son oreiller, des crises de fureur, se griffant les seins et maudissant ce prêtre qui s’éten-