Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/83

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

nouveau, il s’appliquait de son mieux. La patronne voulait fabriquer un rouleau de musique et broder justement de la ronde ; c’était une bien bonne idée qu’elle émettait, sa patronne ; il se montrerait digne de la confiance qu’on avait en lui ! Une grimace tordait sa bouche. De temps en temps, il suçait son porte-plume, tout usé par cette manie, puis commençait une lettre, tournant la main en rond avec la désinvolture du personnage très habile à réussir les tortillons inutiles. Laure, toujours plantée derrière lui, examinait ses cheveux d’un brun pauvre, soigneusement peignés, séparés par une raie sur le côté qui avait été certainement tracée à la règle, et exhalant une étonnante odeur de jasmin. Le clerc se parfumait. Elle eut envie de rire, puis elle dit d’une voix douce :

— Vous êtes très fort, monsieur Lucien.

— Oh ! l’habitude, mademoiselle, répondit-il, tandis qu’une nuance rose s’extravasait dans les chairs de son cou et gagnait sa nuque.

Mais, au moment d’achever un élégant délié, sa plume cracha, inonda le papier d’une série de petites malpropretés.

— Quel malheur ! murmura Laure.

— Bah ! je vais tout refaire, dit le clerc avec philosophie.

Et il incrusta son nez sur une autre feuille.

— Ce que vous devez me bénir ! soupira Laure, mettant sa main près de la sienne pour étaler le papier.