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Page:Rachilde - L’Animale, 1923.djvu/88

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— Ça félonne, hein ? te voilà plus colère que lorsque je t’embrassais. Ah ! misérable petite folle… petite gueuse, petite sotte, scanda-t-il, posant trois fois son index sur la bouche de Laure pour l’empêcher de protester. Oui, je sais tout… tout… tout… Je n’ai qu’un œil, mais j’y vois clair… Tu m’as rendu fou, tant pis ! je te manque de respect… Ah ! si tu n’étais pas belle… je me vengerais, va ! Répète un peu que je te dégoûte…

— Vous savez tout, balbutia-t-elle, et la preuve ?…

— La preuve ? répliqua-t-il ricanant. Écoute-moi sans regarder la porte… je te tiens ferme… La preuve ?… Petite étourdie ! Tu es allée, hier, près de la terrasse de la cure… au lieu d’aller acheter de la laine chez la mercière ; tu as envoyé un baiser, comme ça, des doigts, à l’abbé Bréville qui lisait son bréviaire sous les noisetiers… Tu es amoureuse d’un prêtre. Si ce n’est pas honteux… Et ce prêtre ne t’a pas seulement remarquée. Autrefois, tu étais amoureuse du paysan Marcou, celui qui portait des pêches et des raisins à la saison des vacances… Vous n’aviez pas plus de dix ans, vous le laissiez vous embrasser : je l’ai vu, là, sous les angéliques… Oh ! je t’aurais tuée !… Ça fait mal de regarder quand on ne peut pas jouer au même jeu… Pourquoi es-tu venue ici… m’agacer ! Tu n’es pas un gibier pour moi… Elle est bonne, l’histoire… je ne suis qu’un chien, je te gêne, tu voudrais bien me faire chasser… On me remplacerait par un joli clerc, frisé, musqué, un clerc de