Page:Rachilde - L’Hôtel du grand veneur, 1922.djvu/123

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s’imaginant qu’ils abandonnaient une malheureuse femme aux hasards de la vie d’aventures. Alors, ils réapparaissaient, tête basse, soucieux et grondeurs, essayant de voiler leur secrète défaillance dans une recrudescence d’ironie.

Ils représentaient le triumvirat de la dignité masculine aux prises avec la déchéance morale d’un chacun. Ensemble ils étaient toujours d’honnêtes gens, et en particulier… ils avaient peur de la bonne !

La princesse Lionnelle regardait droit dans les yeux ses hypocrites serviteurs, leur souriant avec une douce aménité ! Elle les tenait sous son regard bleu d’étang comme un dompteur tient sa ménagerie. Elle évitait de les froisser par des allusions blessantes. Si elle les méprisait pour l’ensemble, elle les estimait pour le détail. Elle admirait fort que son intendant fût sûr de sa propre fortune, que son médecin eût la persévérance de la soigner pour des maux qu’elle n’avait pas, et que son poète n’écrivît jamais en vers. Tout cela lui paraissait naturel, tellement elle se sentait l’ennemie de toute logique. Son dédain de l’homme, bien élevé, de la diplomatie amoureuse, allait